Depuis le début du XIXème siècle, le
militantisme linguistique fait partie de l’histoire de la ville de
Poitiers. La querelle entre les oralistes et les signeurs ne s’est
jamais éteinte.
En 1880, certains poitevins venant de
l’institution ont participé au congrès de Milan ; à partir de ce
congrès, l’utilisation de la langue des signes est interdite. De là
date l’essor de la pédagogie oraliste. Ce qui n’a pas empêché la
pratique de la langue des signes pendant les récréations et au
dehors de l’institution. Cependant, elle est considérée comme
honteuse. En référence à la Bible, l’expression corporelle est
péché. Elle est donc pratiquée en cachette.
Les évènements de 68 sont pour beaucoup
dans le changement. On prend conscience de la liberté du corps et de
l’esprit. Une étape importante pour la langue des signes française a
été franchie vers 1970. Certains poitevins ulcérés par l’échec
grandissant des élèves de l’institution réfléchissent à une autre
voie : la pédagogie par la langue des signes. Un voyage au
Gallaudet-collège aux USA va les bouleverser. Ils découvrent les
possibilités insoupçonnées de la langue des signes. Au
retour, ils décident de changer les choses. Cela ne va pas sans
douleurs. Avec l’association 2 Langues Pour l’Éducation créée en
1980, ils impulsent une idée nouvelle : la langue des signes
appartient aux sourds. On n’a pas le droit de la leur interdire.
Elle est indispensable pour communiquer et accéder aux informations
auxquelles ils ont droit. Egalement on revendique le droit à
l’instruction par la langue des signes. Peu à peu les élèves sourds
de l’institution prennent conscience de la richesse de leur langue.
Certains d’entre eux sentent que par la méthode oraliste ils sont
exclus de la société. Première en France, ils décident de faire la
grève. Peu après un groupe de professionnels les soutient par la
grève de la faim. Cette atmosphère pesante aura des conséquences
après.
L’institution, après 100 ans de pratique
de l’oralisme ne peut pas se permettre de suivre ce mouvement. Elle
prend des mesures radicales. Certains grévistes sont expulsés. La
grève de la faim se solde par l’échec. Mais cela a marqué les
esprits en France. Désormais, rien n’est plus comme avant. La fierté
commence à gagner du terrain chez les sourds signeurs. Deux
associations ont été créées : 2 Langues Pour l’Éducation
Centre-Ouest, défunte 2LPE et Centre de Recherche, de Promotion et
de Recherche de la Langue des Signes.
Cette association a la charge
d’organiser le colloque international sur la Langue des Signes au
Futuroscope de Poitiers, en 1990. C’est un succès. Les pouvoirs
publics commencent à prendre conscience que la communauté sourde
œuvre pour la reconnaissance de sa langue, avec les avantages
sociaux et citoyens qu’elle apporte. Cette nouvelle étape marque la
nécessité de promouvoir la langue des signes à l’école, comme dans
la vie quotidienne des sourds.
Depuis 1995, en France on reconnaît
l’importance des langues minoritaires pour la langue française.
Depuis quelques années, pour faire face à la langue anglaise, le
Gouvernement encourage la conservation et la transmission des
anciennes langues régionales afin de préserver la langue française.
On a enfin compris que le plurilinguisme favorise la langue
majoritaire telle que le Français et parallèlement la renforce en
permettant d’apprendre d’autres langues spécifiques à la tradition
de la France.
La langue des signes française étant reconnue comme une des langues minoritaires,
elle bénéficie donc du traitement égal et de l’arsenal juridique
pour se protéger. Aujourd’hui il est donc de plus en plus vital
de protéger la Langue des Signes face à la politique de
l’implantation cochléaire et de la rééducation par l’oral.
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